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SOUFFRANCES AU TRAVAIL |
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La Lettre de SAT N°1 Octobre 2006 |


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Souffrances au travail… Quel traitement par la psychanalyse ?
Colloque organisé par l’association Souffrances Au Travail le 17 Juin 2006
Compte-rendu - deuxième partie |
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Du sujet du cri muet, à la parole Marie-Hélène Doguet, psychiatre, psychanalyste, membre de SAT prenait ensuite la parole pour éclairer le chemin qui, au sein de l’association, peut faire passer le sujet d’un cri muet à la parole.
C’est un fait qu’il y a des travailleurs qui souffrent au point de s’emparer de l’offre qui leur est faite de venir rencontrer un psychanalyste dans le cadre de notre association, indiquait-elle. Le constat est que là où il était encensé le travailleur se retrouve menacé, déchu, maltraité voire outragé, le ou la supérieur (e) avec qui il était en bonne compagnie voire qu’il admirait prend soudain les traits d’un personnage malfaisant – sous les oripeaux de ce supérieur surgit une figure obscène et féroce qu’il incarne désormais, exigeant du dit travailleur un obscur sacrifice. Le psychanalyste sait reconnaître dans cette incarnation la figure inflexible du surmoi ; ce qu’il doit savoir accueillir alors, c’est cette nouvelle condition du travailleur, celle d’un être en trop et toujours rejeté ;
« Bien accueilli par tous, rejeté par chacun », MH Doguet, reprenant ce vers tiré d’un poème de F. Villon, mettait en évidence ce que le psychanalyste de Souffrances Au Travail accueille : le cri de la vérité du sujet. Le problème du psychanalyste devient alors le suivant : comment faire passer quelque chose de ce cri muet à la parole ? Comment cerner ce cri muet par la parole ? Nous allons supposer que ce cri muet donne sa consistance, sa vérité, à quelque chose d’une autre dimension qu’il s’agit de faire émerger : la dimension du sujet de l’inconscient, du sujet de la parole. Pour cela nous allons entendre dans ce que dit celui que nous recevons, un mot, une phrase, une formule – ce que nous appelons dans notre jargon un signifiant, qui sera marqué du sceau d’un accent de singularité, d’un poids particulier, d’une certaine énigme. En tout cas, notre ponctuation, le fait de l’extraire, de le souligner, de l’interroger lui rend son épaisseur, son opacité, son énigme. Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? De la souffrance au travail à la souffrance mise au travail à partir de l’inconscient. Un tel accent, une telle ponctuation va orienter le discours du patient et faire surgir d’autres mots, d’autres phrases – ceux de la famille, du père, de la mère, bref ceux de ce qui fut son Autre. Voilà notre supposition lacanienne : un sujet, c’est ce qui est représenté par un signifiant pour un autre signifiant. Ce mouvement d’un signifiant vers une autre chaîne de signifiants, c’est ce que nous appelons le transfert. Ce qui peut se constituer, se déposer, à partir de cette supposition, au fil de quelques rencontres avec un psychanalyste, c’est un fragment de texte, une constellation de signifiants qui a déterminé le sujet dans ses choix les plus obscurs, et qui a laissé sa marque à jamais. Permettre à un patient d’apercevoir une marque de cet ordre, a un effet thérapeutique, car c’est désormais quelque chose qui est arraché au cri muet – quelque chose d’unique, de propre à ce sujet-là qui est nommé et peut servir de boussole. A partir de ce fragment de texte, le patient peut entendre quelques échos de son cri muet, il peut entendre un écho de ce qui est venu résonner pour lui de l’obscénité du surmoi – par exemple dans la rencontre catastrophique avec son patron, sa hiérarchie. Discussion clinique Trois exposés cliniques, présentés respectivement par Anne Ganivet-Poumellec Elisabeth Franz et Raphaèle Jude, psychanalystes de l’Association, ont pu être soumis à la discussion. Trois exposés qui ont chacun pu mettre en évidence les effets thérapeutiques des entretiens menés au sein de SAT, et illustrer la mise en mouvement du sujet, la mise au travail de l’inconscient. Le travail, lorsqu'on le voit à partir des moments où il manque au sujet, est à n'en pas douter, à ce jour, le meilleur antidépresseur. En conclusion de la journée, Francesca Biagi-Chai indiquait que si le pluriel du nom de l’Association est un pluriel qui refuse le syntagme et la typification, pour accueillir les souffrances une à une, il y a dans ce pluriel une autre dimension, celle de ne pas faire équivaloir le travail à la souffrance, le travail qui serait en lui-même générateur d'une souffrance. Cela reviendrait à négliger la valeur positive du travail, la valeur de réalisation qu'il a pour un sujet lorsqu'il lui apporte une satisfaction intrinsèque, constituant comme l’on montré certains cas étudiés, un point d'appui subjectif grâce au lien à l'autre, aux autres qu'il régit et qu'il soutient. |